Assurance D&O en Suisse (Directors & Officers)
Panorama 2025 — Comprendre, anticiper et se protéger efficacement
Introduction
Dans un environnement économique où chaque décision stratégique peut engager la responsabilité personnelle des dirigeants, l’assurance D&O (Directors & Officers) s’impose comme un instrument essentiel de bonne gouvernance. En Suisse, cette responsabilité est encadrée avec rigueur par le Code des obligations, notamment les articles 725 et 754 CO, qui imposent aux organes de direction, d’administration et de surveillance une vigilance accrue dans la gestion de la société.
Chez My Swiss Company SA – Fiduciaire Suisse nous accompagnons nos clients dans la création et la gestion de sociétés suisses en mettant à disposition des administrateurs, gérants et directeurs résidant en Suisse, conformément aux exigences légales. Dans certains contextes — notamment ceux impliquant des structures internationales, des restructurations, ou des situations financières complexes — la souscription d’une assurance D&O devient un outil complémentaire de sécurité et de conformité. Elle protège non seulement les organes contre les réclamations personnelles, mais aussi la société elle-même en renforçant la transparence, la diligence et la stabilité décisionnelle.
Cet article complet vous guide à travers les enjeux juridiques, les mécanismes de couverture, les bonnes pratiques de gouvernance et les points de vigilance à connaître avant de souscrire une assurance D&O, avec en fin de lecture une FAQ détaillée répondant à toutes les questions que les dirigeants et administrateurs devraient se poser.
1) Définition : qu’est-ce qu’une assurance D&O ?
L’assurance D&O protège les dirigeants, administrateurs, liquidateurs et membres d’organes contre les réclamations formulées à leur encontre pour des fautes commises dans l’exercice de leurs fonctions.
Elle couvre :
- Les frais de défense (avocats, expertises, procédures, médiations) ;
- Les indemnités dues aux tiers ou à la société pour des prétentions fondées ;
- Les coûts de gestion de crise et parfois les frais de communication/réputation.
En clair, c’est une protection financière et juridique qui évite qu’une erreur de gestion ne mette en péril le patrimoine privé du dirigeant.
2) Le fondement juridique du risque D&O en Suisse
La responsabilité des organes est régie par le Code des obligations (CO) :
- 754 CO: les administrateurs, directeurs, liquidateurs et toute personne impliquée dans la gestion ou la surveillance d’une société peuvent être tenus personnellement responsables envers la société, les actionnaires ou les créanciers pour tout dommage causé par une violation fautive de leurs devoirs.
- 725 ss CO (révision 2023): le conseil d’administration a l’obligation d’intervenir immédiatement en cas de perte de capital, de menace d’insolvabilité ou de surendettement. Le non-respect de ces obligations peut déclencher une action en responsabilité.
Même en Sàrl ou en SA, la responsabilité personnelle des organes demeure illimitée si une faute de gestion, une omission ou une négligence est prouvée.
3) Fonctionnement en Suisse d’une assurance D&O moderne
- Forme “claims-made”: la couverture s’applique à toute réclamation faite pendant la période d’assurance, quelle que soit la date de la faute (si rétroactivité prévue).
- Rétroactivité et “tail coverage” (ERP): essentiels pour garantir la couverture des réclamations après la fin du contrat ou lors d’un changement d’assureur.
- Structure de couverture:
- Side A: protège directement les dirigeants (si la société ne peut pas les indemniser, par exemple en cas d’insolvabilité).
- Side B: rembourse la société lorsqu’elle indemnise ses dirigeants.
- Side C: couvre la société elle-même pour certaines réclamations (souvent liées à des litiges boursiers).
Extensions possibles
- Frais d’enquête ou d’audit ;
- Frais de communication de crise ;
- Couverture mondiale ou spécifique à certaines juridictions ;
- Extension pour filiales ou mandats externes (ex. administrateur d’une JV ou d’une association).
Exclusions typiques
- Actes frauduleux ou intentionnels ;
- Enrichissement personnel illégitime ;
- Dommages corporels ou matériels (sauf exceptions) ;
- Amendes pénales ou sanctions administratives non assurable.
4) Personnes et entités couvertes
- Personnes physiques: administrateurs, directeurs, liquidateurs, membres d’organes de surveillance, dirigeants de fait, proxies, compliance officers.
- Entités: la société souscriptrice et, selon la police, ses filiales directes ou indirectes. Certaines polices permettent de couvrir des mandats externes (par ex. dans une fondation, association ou JV).
5) Marché suisse et tendances 2025
Les principaux assureurs actifs sur le marché D&O suisse sont Zurich, AXA, Allianz, Liberty, DUAL et quelques assureurs spécialisés.
Les tendances actuelles :
- Hausse des réclamations dans lesPME, notamment liées à des procédures de surendettement ou à des erreurs de reporting ;
- Extension des offres auxstartups et scale-ups ;
- Intégration de clauses decyber-responsabilité ou de réputation digitale ;
- Sensibilité accrue auxprocédures transfrontalières et à la compliance fiscale.
6) Points clés à vérifier avant de souscrire
Élément | Ce qu’il faut surveiller |
Somme assurée (limit) | Doit être proportionnée au risque et à la taille du groupe. |
Rétroactivité | Assurez-vous que les actes antérieurs sont couverts. |
Période de découverte (ERP) | Pour les réclamations postérieures à la fin du contrat. |
Territorialité | Vérifiez les juridictions incluses, notamment hors Europe. |
Priorité Side A | Garantit la protection des dirigeants avant celle de la société. |
Avenant insolvabilité | Couvre les frais de défense en cas de faillite ou surendettement. |
Frais de réputation | Couverture utile pour préserver l’image du dirigeant ou de l’entreprise. |
7) Gouvernance et prévention des sinistres
Une bonne assurance D&O ne remplace pas une gouvernance rigoureuse.
Quelques pratiques simples pour limiter les risques :
- Documenter toutes lesdécisions du conseil (options analysées, risques considérés, avis externes obtenus) ;
- Tenir à jour lerèglement d’organisation et les procédures de contrôle interne ;
- Mettre en place destableaux de suivi de trésorerie et solvabilité ;
- Consigner lesmesures d’assainissement envisagées ou adoptées (art. 725 CO) ;
- Anticiper lesconflits d’intérêts et s’abstenir lorsque nécessaire.
8) Exemples de sinistres fréquents en Suisse
- Dépôt tardif au jugelors d’un surendettement avéré (faute de diligence du conseil).
- Acquisition mal évaluéeentraînant une perte pour la société.
- Retard dans la mise en conformité(fiscale, LBA, environnementale).
- Conflits entre actionnairesou mauvaise gestion d’un dividende contesté.
- Perte de données sensibleset absence de réaction appropriée du management.
9) Adapter la D&O à votre profil
- PME et startups: choisir une police simple, avec limit unique et extensions réputation/enquête.
- Groupes et holdings: opter pour un programme master avec clauses DIC/DIL et allocation de limites par entité.
- Sociétés internationales: prévoir la conformité locale (juridictions US/UK/UE) et des avenants spécifiques.
- Associations/fondations: vérifier la couverture des organes bénévoles et les exclusions statutaires.
10) Erreurs à éviter
- Croire que la RC entreprise couvre automatiquement les dirigeants ;
- Oublier d’actualiser les filiales ou les nouveaux mandats ;
- Négliger la période rétroactive en cas de changement d’assureur ;
- Sous-estimer la valeur d’unERP lors d’un départ ou d’une liquidation ;
- Ne pas vérifier lesexclusions cachées (actes commis à l’étranger, procédures pénales, etc.).
FAQ complète sur l’assurance D&O en Suisse
1. La D&O est-elle obligatoire en Suisse ?
Non, mais elle est fortement recommandée pour toute société ayant un conseil d’administration, une direction ou un organe de surveillance actif.
2. Que couvre exactement une assurance D&O ?
Les frais de défense, les indemnisations, les coûts d’expertise, les frais de médiation et parfois les dépenses liées à la réputation ou à des enquêtes administratives.
3. La D&O couvre-t-elle les fautes graves ?
Oui, tant qu’elles ne sont pas intentionnelles. Les fautes graves ou la négligence peuvent être couvertes, mais pas la fraude ou les actes délibérés.
4. Couvre-t-elle les amendes pénales ?
En général non, car les amendes sont inassurables en droit suisse. Cependant, les frais de défense liés à la procédure pénale peuvent être pris en charge.
5. Une société en faillite peut-elle encore bénéficier d’une D&O ?
Oui, si la police est en vigueur, les frais de défense des dirigeants peuvent être couverts. Il est conseillé de négocier un avenant insolvabilité.
6. Les administrateurs bénévoles d’une association sont-ils couverts ?
Oui, mais seulement si l’association souscrit la police D&O et si ces fonctions figurent dans le périmètre assuré.
7. Que se passe-t-il lors d’un changement d’assureur ?
Il faut vérifier la rétroactivité pour que les fautes passées restent couvertes. Sans cela, un vide de couverture (« gap ») peut exister.
8. Qu’est-ce qu’une période de découverte (ERP ou “tail coverage”) ?
C’est une extension de couverture qui permet de déclarer une réclamation après la fin du contrat (par ex. en cas de dissolution ou de départ du dirigeant).
9. La D&O couvre-t-elle les filiales étrangères ?
Seulement si elles sont mentionnées dans la police. Pour les groupes, il faut souvent souscrire une couverture internationale ou un programme master.
10. Comment est calculée la prime ?
Elle dépend du secteur d’activité, du chiffre d’affaires, de la structure de gouvernance, de l’historique de sinistres et du périmètre international.
11. La D&O protège-t-elle aussi les salariés ?
Non, elle vise les organes dirigeants. Toutefois, certaines polices étendent la couverture à des fonctions spécifiques (compliance, finances, IT).
12. Quelle différence entre RC entreprise et D&O ?
La RC entreprise protège la société contre les dommages causés à des tiers (corporels ou matériels).
La D&O protège les dirigeants pour leurs fautes de gestion ou de décision.
13. Une société peut-elle rembourser les primes D&O à ses administrateurs ?
Oui, la société peut financer la prime D&O puisqu’elle agit dans son propre intérêt de protection et de continuité de gouvernance.
14. La D&O couvre-t-elle les décisions de licenciement ou RH ?
Non, sauf si une clause spécifique « Employment Practices Liability » (EPL) est ajoutée. En Suisse, elle est souvent proposée en option.
15. Que faire en cas de réclamation ?
Informer immédiatement l’assureur, rassembler les documents de gouvernance (procès-verbaux, décisions, emails, preuves de diligence) et ne jamais reconnaître une faute sans conseil juridique.
Conclusion
L’assurance D&O est bien plus qu’une couverture financière : c’est un instrument stratégique de gouvernance. Elle renforce la confiance des investisseurs, protège les dirigeants contre les imprévus et incite à une gestion plus prudente et transparente.
Dans un contexte où la responsabilité des organes est scrutée avec rigueur, ne pas être couvert revient à exposer son patrimoine personnel et la stabilité de l’entreprise.
Souscrire une D&O adaptée, c’est démontrer que votre société est bien gérée, consciente de ses obligations, et prête à affronter l’avenir avec sérénité.